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Décryptages
15.10.24

Agrivoltaïsme : une alliance fertile entre lumière et culture

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Agrivoltaïsme : une alliance fertile entre lumière et culture

En 1981, les Allemands A. Goetzberger et A. Zastrow proposent de combiner la production d'électricité photovoltaïque avec l'agriculture, afin de résoudre les conflits d'usage des sols et de la lumière entre ces deux activités. Les plantes atteignent un seuil de saturation photosynthétique, au-delà duquel une intensité lumineuse supplémentaire n'améliore plus leur croissance. Installer des panneaux photovoltaïques au-dessus des cultures permet d'optimiser cette lumière en la laissant suffisante pour le développement des plantes, tout en récupérant l'énergie excédentaire non absorbée par celles-ci. Une ventilation naturelle des panneaux est aussi assurée pour ne pas dépasser les 25°C au-delà desquels leur efficacité diminue de 0,45%/°C. Les premiers essais ont lieu au Japon en 2004. En 2011, une étude a montré que ce système peut augmenter la productivité des terres agricoles de 35 à 75 %. Ce concept est alors nommé "agrivoltaïsme".

En Europe, l'agrivoltaïsme progresse lentement, alors qu'il est déjà bien développé au Japon avec plus de 2 000 installations. L'Europe possède un potentiel de 1 000 GW de capacité agrivoltaïque, à comparer aux 590 GW d'objectifs photovoltaïques de l'UE pour 2030. Sur le plan économique, ces installations permettent aux agriculteurs de satisfaire leurs besoins en électricité et de revendre les excédents. Si les revenus restent insuffisants, ils peuvent louer l'espace pour les panneaux à des entreprises énergétiques. Les installations agrivoltaïques présentent plusieurs avantages, notamment l'ombrage et la régulation de la température qui favorisent un microclimat propice à la croissance des plantes. En plus, la récupération des eaux de pluie sur les panneaux et la réduction de l'évaporation des sols diminuent les besoins en eau. Elles protègent aussi les cultures des aléas climatiques, tels que la grêle ou les vents violents.

Différents types d'installations conviennent selon les cultures. Les panneaux surélevés sont adaptés aux baies, raisins, salades et courges, qui ne nécessitent pas l'utilisation de gros véhicules. Il semblerait que ces panneaux améliorent aussi le goût du vin. Pour les céréales ou les plantes à enracinement profond, les panneaux verticaux permettent le passage d'engins agricoles tels que tracteurs et moissonneuses-batteuses.

L'agrivoltaïsme présente aussi des limites. Certaines plantes nécessitent un accès complet à la lumière pour se développer correctement. Ces installations peuvent également entraîner des accidents lors des manœuvres d'engins agricoles. L'installation des panneaux réduit la surface exploitable des champs et représente un coût initial important : Le prix moyen d’une installation de 100 kWc peut être estimé entre 75 000 € HT et 150 000 € HT. Toutefois, la production d'électricité compense les pertes de surface agricole, et des contrats avec des entreprises de production d'énergie peuvent considérablement réduire les coûts. Les locations peuvent rapporter 1000 à 1500 €/an l'hectare en moyenne.

En 2022, l'ADEME recense en France près de 167 projets d'agrivoltaïsme, totalisant une capacité de 1,3 GW. Parmi eux, la ferme agrivoltaïque du Domaine viticole de Nidolères à Tresserre, inaugurée en novembre 2018, couvre 4,5 ha avec des panneaux photovoltaïques au-dessus de 17 310 vignes. Cette installation permet de réduire de 20 % les besoins en eau et produit suffisamment d'électricité pour alimenter plus de 650 foyers, tout en évitant l'émission de 3 000 t de CO2. Avec un investissement initial de 4 M € et un contrat de revente de l’électricité généré à 85€/MW, le projet atteindrait son seuil de rentabilité en 11 ans sans compter la nette amélioration des rendements agricoles. D'autres projets ambitieux émergent, comme « Terr'about », qui prévoit l'installation de 450 MWc sur 200 ha dans les Landes.

La loi n° 2023-175 du 10 mars 2023, relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, encadre désormais l'agrivoltaïsme en France. Elle régule l'installation de panneaux solaires sur les terres agricoles, en garantissant la priorité à la production alimentaire, tout en conciliant les enjeux de souveraineté alimentaire et d'autonomie énergétique. Le label « Projet agrivoltaïque » d'Afnor Certification veille à ce que ces installations ne nuisent pas aux cultures ni ne contribuent à l'artificialisation des sols. À partir d'octobre 2024, Afnor labellisera également des projets d'agrivoltaïsme d'élevage, permettant aux animaux de bénéficier de zones d'ombre et de préserver l'herbe nécessaire à leur alimentation en été.

Credit image : Héliantis énergies renouvelables

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