L'hydrogène vert, produit par électrolyse de l'eau à partir d'électricité renouvelable, est considéré comme un vecteur énergétique clé pour la transition énergétique. Les électrolyseurs font l'objet d'une attention croissante et d'importants investissements. En 2023, la capacité mondiale d'électrolyseurs installés s'élevait à environ 300 MW, avec une croissance rapide attendue. Selon l'AIE, elle devrait atteindre 170 à 365 GW d’ici 2030 pour répondre aux objectifs climatiques[1]. Cependant, le déploiement à grande échelle des électrolyseurs fait face à plusieurs défis majeurs, notamment le coût de production de l'hydrogène vert (actuellement estimé entre 3 et 8 €/kg, contre 1 à 2 €/kg pour l'hydrogène gris issu du gaz naturel)[2].
Tableau 1 : comparatif du coût de production de l’électricité d’ici 2030 à partir de différentes sources d’énergies (sources : [8], [9], [10], [11])
Quatre technologies d'électrolyseurs sont actuellement présentes sur le marché[3], les technologies alcalines et PEM en représentent plus de 85% :
- L’électrolyseur alcalin est le plus intéressant en termes de coûts grâce à des composants à faible coût. C’est la technologie la plus mature (TRL 9), bien qu'elle rencontre des difficultés avec les EnR intermittentes. Son industrialisation est avancée.
- L’électrolyseur PEM (à membrane échangeuse de protons) est la 2e technologie la plus avancée (TRL 7-9), elle a enregistré la plus forte croissance entre 2015 et 2020. Plus compacte et réactive, elle présente néanmoins une durée de vie incertaine et requiert l'utilisation de métaux rares.
- L’électrolyseur SOEC (à oxydes solides) utilise des électrodes en nickel à faible coût, est réversible (pile à combustible et électrolyseur) et permet de produire du gaz de synthèse grâce à la co-électrolyse du CO2 et de l'H2O. Cette technologie assez avancée (TRL 5-9) fait l'objet de projets en développement aux Pays-Bas et au Danemark.
- L’électrolyseur AEM (à membrane échangeuse d’ions) devrait combiner les atouts des technologies alcaline et PEM, la maturité technologique (TRL 4-6) nécessite des progrès en termes de durée de vie et de passage à l'échelle.
Au niveau technologique, les efforts de R&D se concentrent prioritairement sur l'amélioration de l'efficacité de conversion, avec des avancées prometteuses dans le développement de nouveaux matériaux d'électrode, de catalyseurs et de membranes[4] afin de réduire les coûts et d’améliorer la densité de courant, la compacité et la durabilité.
Autre enjeu majeur : les électrolyseurs doivent pouvoir s'adapter à l'intermittence inhérente aux sources éolienne et solaire[5]. C'est pourquoi de nombreux projets pilotes explorent les synergies entre les différentes technologies. Un autre défi, peut-être le plus complexe, réside dans les contraintes liées au stockage et au transport de l'hydrogène.
Malgré ces obstacles, les perspectives sont encourageantes. Les innovations en cours -matériaux plus performants, augmentation de la durée de vie des systèmes, meilleure intégration aux sources intermittentes - laissent entrevoir des solutions viables. Toutefois, les technologies les plus prometteuses (SOEC et AEM) ne seront probablement pas suffisamment matures d'ici 2030 pour répondre aux besoins croissants du marché. Il est impératif d'accélérer les efforts de R&D sur ces technologies.
L'UE, la Russie et l’Algérie[6] ont annoncé des objectifs ambitieux et des investissements massifs dans la filière hydrogène. L’Europe vise une capacité de 40 GW d'électrolyseurs d'ici 2030[6] : ces engagements stimulent l'innovation et accélèrent la baisse des coûts. Dans ce contexte, la course à l'innovation et aux parts de marché a engendré des tensions entre l'Europe et la Chine. L'UE, préoccupée par la domination chinoise (40 % de la capacité de production mondiale d'électrolyseurs)[1], fixe un plafond de 25 % d’électrolyseurs chinois [7] pour la production d’hydrogène vert qu’elle subventionne. Même s’ils représentent 32% du marché mondial, les producteurs européens d’électrolyseurs, dont ThyssenKrupp et Siemens, demandent un soutien au Made in Europe[11].
Enfin, le coût des électrolyseurs est en lui-même un défi malgré une baisse significative ces dernières années grâce aux économies d'échelle et aux avancées technologiques . En 2024, il varie entre 500 et 1000 €/kW selon la technologie et l'échelle de production, pour une efficacité de 60 à 80% (les modèles PEM[8] étant légèrement plus efficaces que les alcalins) et une durée de vie de 40 000 à 60 000 heures pour la plupart des technologies, soit 5 à 7 ans en fonctionnement continu.
En conclusion, des investissements importants sont nécessaires pour améliorer les technologies des électrolyseurs, qui constituent la solution la plus prometteuse pour une production d'hydrogène qui - contrairement au procédé de vaporeformage et de pyrolyse du méthane - permet de s'affranchir de la dépendance au gaz naturel.
Tableau 2 : comparatif des émissions de CO2 des technologies et procédés de production d’hydrogène (source : [13])
Comme indiqué dans le tableau 2, il y a également un grand intérêt à tirer profit des systèmes d’énergie renouvelable comme le photovoltaïque pour alimenter les électrolyseurs.
Malgré les défis actuels, les avancées technologiques et les politiques de soutien laissent entrevoir un déploiement rapide dans les prochaines années. La réussite de cette transition dépendra de la capacité à réduire les coûts, à améliorer les performances et à développer les infrastructures nécessaires.
Credit image : Process Sensing Technologies