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Décryptages
13.2.24

Les défis houleux du déploiement des éoliennes offshore en Europe

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Les défis houleux du déploiement des éoliennes offshore en Europe

Suite au lancement du plan REPowerEU en mai 2022, les représentants du Conseil et du Parlement ont conclu en mars 2023 un accord politique visant à augmenter la proportion des énergies renouvelables à 42,5 % d'ici 2030, avec la possibilité d'un objectif supplémentaire de 2,5 % pour atteindre 45 %. Parmi l’éventail des énergies renouvelables à urgemment déployer, les énergies marines renouvelables ou EMR (éolien posé/flottant, énergie marémotrice/houlomotrice et solaire flottant) occupent une part essentielle. Il est important de noter que ces technologies n’ont pas du tout le même niveau de maturité (éolien offshore posé TRL 9, énergie houlomotrice TRL 6-7) Le secteur offshore connaît une croissance significative, avec 77 000 emplois directs et indirects en 2020, comparativement à moins de 400 en 2009. Aussi, parmi les 496 projets soutenant les énergies marines renouvelables financés par l'Union Européenne,, 281 soutenaient l'éolien en mer (y compris l’éolien flottant), absorbant 74% du budget total alloué aux EMR, soit 1,7 milliard d'euros.

Pour concrétiser la contribution de l'éolien offshore aux ambitieux objectifs énergétiques et climatiques de l'UE pour 2030 et 2050, la Commission a dévoilé une stratégie dédiée le 19 novembre 2020, fixant des objectifs de capacité installée à au moins 60 GW d'ici 2030 et 300 GW d'ici 2050.

En 2021, la capacité installée d’éoliennes offshore dans l’Union était de 14,6 GW, devant augmenter d'au moins 4 fois d'ici 2030, exploitant le potentiel des 5 bassins marins de l'UE (Mer Méditerranée, Mer Noire, Mer du Nord, Mer Baltique et Océan Atlantique. Malgré la construction prévue de 5 GW par an au cours des trois prochaines années, cela reste insuffisant pour atteindre les objectifs fixés. Il sera aussi nécessaire d’augmenter la capacité actuelle de la chaîne d’approvisionnement, actuellement limitée à 7 GW/an. Dans son analyse récente, l’AIE constate que l’industrie éolienne offshore affronte actuellement des difficultés sur les chaines d’approvisionnement, un renchérissement des coûts d’investissements (+20% depuis 2020), et des longs délais d’obtention de permis, qui ont causé une vague d’annulation de projets en particulier aux Etats-Unis et au Royaume-Uni.  Répondant à ces défis, la Commission européenne a initié des actions, dont le Plan d'action pour l'énergie éolienne en octobre 2023 et celui pour les réseaux en novembre 2023. En 2023, l'UE a construit 3 GW d'éoliennes offshore, marquant une augmentation de 2,1 GW par rapport à 2022, après une baisse rapportée par WindEurope de 47% des commandes en 2022 attribuée aux pressions inflationnistes et à l'incertitude sur le marché de l'électricité de l'UE.

Concernant les réseaux électriques, l'ENTSO-E (European Network of Transmission System Operators for Electricity) a rendu public en janvier les Plans de développement du réseau éolien offshore de l'UE (Offshore Network Development Plans ou ONDP), offrant une première évaluation exhaustive à l'échelle transfrontalière de la capacité actuelle du réseau éolien offshore et des besoins futurs dans les bassins marins. Ce rapport souligne notamment les investissements massifs qui seront nécessaires pour connecter les éoliennes offshore au réseau électrique : "Un investissement total d'au moins 400 milliards d'euros sera nécessaire pour les actifs de transmission en mer", estime l'ENTSO-E, précisant que l'infrastructure nécessaire pour les connecter "pourrait couvrir jusqu'à 54 000 km de routes dans les eaux européennes, soit près de 1,5 fois la longueur de l'équateur". Ces plans joueront un rôle crucial dans l'accélération de l'expansion de l'énergie éolienne offshore, facilitant également le déploiement de solutions novatrices pour intégrer cette source d'énergie dans le système énergétique européen.

Les ONDP mettent également en avant l'idée essentielle selon laquelle, pour dynamiser le développement de l'éolien offshore, l'UE doit instaurer des mécanismes de partage des coûts transfrontaliers efficaces, en particulier en mettant en œuvre rapidement les "Transmission Access Guarantees" (TAG) actuellement débattues dans le cadre des discussions sur la conception du marché de l'électricité de l'UE. De plus, les opérateurs de réseau de transport (TSO) doivent clairement examiner le potentiel des connexions hybrides, combinant plusieurs sources d’énergies pour former un système intégré. Selon les ONDP, 15% de toutes les énergies renouvelables en mer pourraient être connectées de façon hybride. Ces configurations permettent des flux énergétiques plus efficaces et des approches coordonnées de la planification du réseau, renforçant ainsi la sécurité énergétique de l'Europe et contribuant à la réduction des coûts de l'électricité pour les ménages et les entreprises européennes. Cette mise au clair s'avère cruciale pour garantir la fiabilité à long terme du marché, tant pour les développeurs de parcs éoliens que pour les fabricants d'équipements d'origine (OEM) et les opérateurs de réseau.

Malgré les plans de développement nationaux, la réalisation des objectifs de l'UE pour l'éolien en mer d'ici 2030 dépend de l'accélération du déploiement annuel et de l'anticipation des défis et risques potentiels, notamment d’un point de vue socio-économique. Le travail réalisé par l’Observatoire de la sécurité des flux et des matières énergétiques vise précisément à révéler des vulnérabilités dans la production et l'approvisionnement énergétiques des États membres de l'Union européenne. En effet, le sabotage du gazoduc Nord Stream en septembre 2022 a mis en évidence la vulnérabilité des infrastructures critiques européennes. 

Enfin, de surcroît, l’espace maritime est hautement stratégique, et ce, pour de nombreuses activités piliers de l’économie européenne, comme c’est le cas de la pêche dans les zones côtières ou de l’aquaculture par exemple. Même si des études européennes ont été menées à ce sujet, il a été observé qu’en pratique les États membres coopèrent rarement sur les projets d’EMR. Pour répondre à ces possibilités éventuelles de conflits d’usage, des projets de co-utilisation viables devront être à tout prix développés.  

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