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Biocarburants, vers des conflits d'usage ?

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Biocarburants, vers des conflits d'usage ?

Les biocarburants, carburants issus de transformation de biomasse, peuvent offrir une alternative décarbonée prometteuse aux hydrocarbures fossiles actuels, particulièrement dans les secteurs où l’électrification n’est pas envisageable à court terme, comme l’aviation, le maritime, l’industrie ou le transport lourd. Ils permettent également de s’affranchir des dépendances stratégiques aux pays producteurs de pétrole. Leur utilisation actuelle, privilégiée pour la voiture dans de nombreux pays, est progressivement réalignée vers d'autres secteurs de la mobilité. Leur production s’élève aujourd’hui à 4,6 EJ par an, soit 2,3% de l’énergie générée à partir de pétrole.

Les biocarburants se déclinent en 3 générations, avec différents niveaux de maturité :          

- 1ère génération : ils sont issus de biomasse généralement comestible pour les humains ou les animaux, riches en sucre. (TRL 8-9)        

- 2è génération : ils sont issus de résidus de biomasse destinée à l’alimentation, de restes alimentaires, ou de biomasse non comestible, dont on utilise notamment la lignocellulose. Ils sont aujourd’hui en phase de développement. (TRL 6-8)        

- 3è génération : ils sont issus d’algues, leur utilisation est encore en phase de test. (TRL 3-4)

Les carburants de 2è et 3è génération sont dits “biocarburants avancés”.

Les biocarburants peuvent présenter des externalités parfois peu, ou pas suffisamment prises en compte (eau, biodiversité, sols…), mais qui sont plus faibles pour la deuxième génération.

Longtemps privilégiés, les carburants de 1ère génération présentent un inconvénient majeur : la compétition avec l’alimentation humaine. C’est ce critère qui a amené les législations à évoluer pour privilégier des alternatives plus durables. La directive européenne RED II de 2018 fixe un objectif de 14% de carburants renouvelables dans les transports d’ici 2030, avec un plafond à 7% de biocarburants de 1ère génération et fixe des objectifs de soutenabilité forts, notamment sur des critères d’utilisation des sols et de régénération. Des critères de réduction d’émissions de gaz à effet de serre sont également fixés, en calculant en analyse de cycle de vie well to wheel (du puits à la roue), avec une réduction minimale de 65%. Dans l’aviation, la norme RefuelEU Aviation imposera 5% de SAF (sustainable aviation fuel) d’ici à 2030, ce qui représenterait 2,3 millions de tonnes de SAF, contre les 0,24 millions de tonnes actuelles. Des questions se posent sur la disponibilité des biofuels pour répondre à des besoins et des normes toujours plus forts. En effet, la forte compétition en biomasse avec d’autres secteurs pourrait rendre difficile l’accès aux biocarburants, en surcroît d’une montée des prix. En témoigne le fait que l’Union Européenne utilise actuellement 7 millions de tonnes d’huile de cuisson usagée pour produire des biocarburants…  soit 4 fois plus que le potentiel maximal de récupération d’huile usagée au sein des États Membres ! Conséquence fâcheuse : elle doit les importer d’Asie. En effet, avant d’être utilisée pour les biocarburants, la biomasse est également nécessaire pour les plastiques, la construction…

Bien que teintées d’une forte incertitude, les projections soulignent qu’au niveau européen ou mondial, des choix de priorisation des usages seront nécessaires, même en augmentant les rendements de production.

Ces incertitudes autour de la disponibilité sont renforcées par de fortes variabilités propres à certains secteurs : le remplacement des véhicules thermiques par des véhicules électriques pourrait relâcher de la disponibilité pour d’autres secteurs. Les choix technologiques effectués par le transport lourd pourraient intensifier les tensions sur les ressources. En effet, les secteurs maritime et aérien peuvent baser leur transition sur des e-fuels issus d’hydrogène vert ou sur l'usage de biomasse. Ces choix stratégiques qui s'opèrent aujourd'hui et dans les années à venir influenceront fortement la demande dans ces secteurs, ainsi que les possibilités d’innovations et de report vers des technologies plus disponibles.

Credit image : Transport Express

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