Le Carbon Border Adjustment Mechanism (CBAM), ou Mécanisme d'Ajustement Carbone aux Frontières (MACF), est une initiative de l'UE visant à établir un prix juste pour le carbone émis lors de la fabrication de biens à forte teneur en carbone importés dans l'UE, tout en encourageant une production industrielle plus propre dans les pays hors UE. En exigeant un paiement pour les émissions de carbone associées à certains biens importés, le CBAM assure que le coût carbone des importations est aligné sur celui de la production de l’Union, préservant ainsi les objectifs climatiques de l'UE.
L'UE s'est engagée à atteindre la neutralité carbone d'ici 2050, notamment à travers le Pacte Vert, qui vise une croissance durable avec des mesures comme la révision du Système d'échange de quotas d'émission (EU ETS), l'amélioration de l'efficacité énergétique et le soutien aux énergies renouvelables. Le CBAM suit cette tendance en assurant que les efforts de l'UE ne soient pas compromis par des pratiques commerciales inéquitables, et encourage d'autres régions à adopter des politiques climatiques similaires. Il servira également à prévenir la fuite du carbone, soit la délocalisation de la production industrielle vers des régions aux politiques climatiques moins strictes pour éviter les coûts réglementaires.
Le CBAM est entré en phase transitoire en octobre 2023. Durant cette phase, certains biens importés à forte empreinte carbone sont soumis à des déclarations d'émissions sans nécessité d'acheter des certificats. Les importateurs ont le choix entre trois méthodes de déclaration jusqu'en 2024. À partir de 2025, seules les méthodes de l'UE seront acceptées et plusieurs secteurs seront concernés (ciment, fer, acier, aluminium, engrais, électricité et hydrogène). Le scope sera progressivement élargi pour inclure d'autres secteurs et produits. À partir de 2026, les importateurs devront acheter des certificats pour compenser les émissions incorporées dans leurs importations, ce qui incitera à une réduction des émissions à l'échelle mondiale. Si le pays d'origine a déjà mis en place une taxe carbone, les importateurs pourront déduire ces coûts du montant à payer dans le cadre du CBAM, afin d'éviter la double taxation.
Le CBAM stimule l’innovation verte, ce qui favorise le développement de technologies propres, et augmente la compétitivité à long terme. En établissant une norme stricte pour les émissions de carbone, l'UE pousse indirectement d'autres régions à renforcer leurs propres politiques climatiques. Les pays exportateurs vers l'UE pourraient être incités à adopter des mesures similaires pour éviter les ajustements tarifaires et rester compétitifs. De plus, cette approche pourrait favoriser une convergence mondiale vers des régulations environnementales plus rigoureuses, amplifiant ainsi les efforts internationaux.Cependant, en imposant les taxes carbones, l’UE est accusée par certains de ses partenaires de créer des barrières commerciales déguisées violant potentiellement les règles de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Cette perception de protectionnisme vert pourrait compliquer les relations commerciales et internationales. De plus, les partenaires de l'UE, en particulier les pays en développement, ont exprimé des préoccupations concernant les impacts économiques du CBAM.
Par exemple, la Russie a été le principal exportateur vers l'UE de biens couverts par le CBAM de 2015 à 2019, suivie par la Chine, le Royaume-Uni et la Turquie. Les importations de fer, d'acier et d'aluminium étaient les plus importantes pour l'UE, avec la Russie fournissant également beaucoup d'engrais. Parmi les autres exportateurs, 80% des exportations du Royaume-Uni de biens CBAM vont vers l'UE, contre 78% pour la Serbie et 76% pour le Mozambique, qui dépend de l'exportation de son aluminium vers l'UE. Ce pays pourrait être gravement affecté en raison de l'utilisation du charbon dans sa production et ne sera pas le seul pays ayant besoin d'une assistance financière pour adopter des alternatives plus propres, sans quoi les nouvelles régulations de l'UE pourraient aggraver ses difficultés économiques.En outre, l'exemption des produits recyclés, comme l'acier et l'aluminium, peut entraîner des comportements opportunistes : des industriels pourraient générer plus de déchets pour les "recycler" et contourner ainsi la taxe. Enfin, les importateurs pourraient répercuter les surcoûts sur les consommateurs finaux, augmentant les prix en Europe sans nécessairement réduire les émissions globales.
Credit image : World Cement Association