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24.2.25

Renouvelable vs. Gaz ? Quelle énergie pour les data centers ?

Xavier Blot

Renouvelable vs. Gaz ? Quelle énergie pour les data centers ?

Dès son premier jour, Trump a annoncé le lancement de la joint venture Stargate promettant 500 Md$ d’investissement pour le déploiement de data centers pour l’IA. L’annonce est symptomatique d’une période frénétique où la course à la puissance nécessite un énorme approvisionnement énergétique. Au milieu des effets d’annonce, des tendances se dessinent.

Il s’agit de savoir si nous pouvons produire suffisamment d’électricité, idéalement bas carbone, pour répondre à la demande croissante. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas et des contraintes énergétiques risquent d'apparaître en Arabie Saoudite ou en Irlande. Aux États-Unis, cet enjeu se traduit localement, comme dans le Minnesota où les projets rajouteront l’équivalent de la consommation de 2,3 millions de foyers. Au niveau du pays, les données du Lawrence Berkeley National Lab permettent d’estimer que 525 TWh d’énergie renouvelable pourraient être produits d’ici 2030. Sachant que d’autres usages doivent être électrifiés,  de 7 à 12 % seraient disponibles pour les data centers, soit environ 50 TWh alors qu’il en faudrait 200 à 400 !

Les acteurs de la tech investissent déjà fortement dans les énergies renouvelables, via les PPA notamment. Microsoft a annoncé un partenariat avec Brookfield pour construire 10,5 GW de capacités renouvelables et un engagement pour 12 GW de modules solaires Qcells dont 1,5 GW seront déployés par an jusqu’en 2032. Ces énergies intermittentes conviennent aux data centers pour l’inférence des modèles (utilisation) qui ont des charges variables. Malgré ces investissements, d’autres capacités sont nécessaires. 

De plus, pour les data centers servant à l’entraînement des modèles d’IA, l’approvisionnement doit être plus stable. C’est pourquoi certains GAFAM misent sur le nucléaire pour, par exemple, relancer une tranche mise à l’arrêt ou se fournir auprès d’un réacteur existant. Les capacités disponibles ne sont cependant pas infinies et sont limitées par le régulateur. C’est pour développer de nouvelles capacités que des investissements sont réalisés dans les SMR. Mais il faudra attendre au moins dix ans pour envisager un déploiement à grande échelle. Sur le même plan, la géothermie présente d’évidentes qualités mais son déploiement demandera du temps.

Face à cette impatience, le gaz apparaît comme une solution « idéale » à court terme. Fiable (en base comme en pic) et rapide à déployer (un peu plus de 2 ans). C’est l’option choisie par xAI pour lancer son data center en un temps record avec 14 centrales à gaz. Trois autres pour une puissance totale de 2,3 GW vont desservir un nouveau data center de Meta. Du côté des développeurs, les signaux sont également au vert. Exxon et TotalEnergies envisagent de déployer chacun des centrales gaz de 1,5 GW pour le secteur. Goldman Sachs estime qu’elles répondront à 60 % de la demande des data centers. Cette prévision est à prendre avec recul mais il n’est pas illusoire d’imaginer un vrai rebond du secteur avec la présidence Trump qui souhaite faire du gaz un élément central de sa stratégie énergétique. L’octroi de permis est déjà facilité et d’autres leviers s’ajoutent comme la conversion de centrales charbon au gaz et l’allongement de la durée de vie des centrales existantes.

Enfin, le secteur fait face à un dernier enjeu avec des délais de déploiement qui s’allongent. Google en a fait le constat récemment : il faut 4 ans aujourd’hui pour raccorder une nouvelle centrale solaire, contre 2 auparavant. Les contraintes de transmission et les délais d’interconnexion sont des limites difficiles à dépasser et aucun acteur de la tech ne s’y attaque. Des stratégies de contournement sont imaginées à la place. La première est de connecter directement les centrales de production aux data centers, sans passer par le réseau (behind-the-meter). La deuxième tirerait parti de nouveaux designs comme des micro-grids et energy parks. Les tailles et modalités varient mais l’idée reste la même : une planification conjointe des data centers et des centrales électriques, un équilibrage local « intelligent » (facilité par l’IA) et un raccordement unique au réseau.

Les approches sont donc riches et il est difficile de prévoir celles qui deviendront dominantes. Les intérêts politiques et économiques se croisent et le gaz pourrait avoir peu de marge de manœuvre vu les ambitions d’exportation de Trump. La demande d’énergie liée à l’IA évoluera-t-elle différemment des scénarios ? DeepSeek rappelle que le secteur peut bénéficier d’importants gains d’efficacité énergétique au niveau hardware et software.  Quoiqu’il en soit, les entreprises de la tech sont déterminées à investir où cela est nécessaire et elles en ont les moyens.

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